
Une Expérience du Monde dans le Cinéma de ChRISTOPHER NOLAN
Mémoire de master 2
Résumé
Art du temps, le cinéma s’inscrit dans une durée, celui du temps de visionnage. Nolan interroge cette idée fondamentale du cinéma, en faisant du temps un concept malléable, réversible et dramatique, comme le souligne Hélène Vally dans son article « Face au temps » de la revue Eclipses : « le temps est un ressort dramatique incontournable pour comprendre son cinéma ». Nolan est également un grand défenseur de la pellicule, au tournage comme à la projection, ces derniers films ayant bénéficiés de tournage et de sortie en 70 mm, qu’il s’agisse de l’Imax, un format large spectaculaire, ou encore ce vieux procédé Super Panavision 70, qui photographia des films comme Lawrence d’Arabie ou 2001 : l’Odyssée de l’Espace.
Il nous paraît alors évident qu’il faut contextualiser Nolan dans son temps, à une époque où Hollywood est passé au tout numérique. Nolan défend une certaine idée du cinéma, mais ce n’est pas qu’une posture, et il nous semble que ses films sont aussi vecteurs de sa pensée du cinéma. Dans ce sens, il est important de dégager des grands axes, des grandes thématiques qui permettent de décoder le cinéma de Nolan, et ainsi l’inscrire dans une esthétique, voire sa propre esthétique. Auteur de films à petit budget comme de blockbusters, il nous semble que le cinéma de Nolan suit des règles qui lui sont propres, et qu’une continuité s’opère au sein de sa filmographie, « l’écran a la même taille quel que soit l’histoire. […] Un plan d’une tasse de thé à la même taille qu’une armée descendant une colline. C’est juste de la narration. » Si le cinéma est un art du temps, le cinéma de Christopher Nolan est en mouvement, il évolue, il sera alors pertinent de voir en quoi ses évolutions forgent un peu plus la place qu’il tient dans l’industrie. Car au-delà de son esthétique, Nolan fait partie de l’industrie hollywoodienne, et il s’agira de voir où est sa place, en même temps dans le sens, et à contre-courant des studios.
En effet nous avons dit que Nolan revendique le tournage en pellicule, notamment depuis Interstellar. Nolan a toujours tourné en argentique, et il fut frappé de plein fouet par l’apparition puis l’hégémonie quasi-totale de l’imagerie numérique, qu’il a d’abord utilisé, avant de l’abhorrer totalement. Ce qui pourrait n’être qu’un prolongement a été un profond bouleversement dans l’esthétique du cinéaste, et il faudra s’interroger sur cette idée paradoxale que ce n’est pas la même chose de tourner en argentique avant et après les années 2010. Nolan s’inscrit dans une esthétique que nous appellerons post-argentique, à l’instar de Quentin Tarantino, Paul Thomas Anderson, Damien Chazelle et d’autres. Par post-argentique, nous entendons les films réalisés en argentique à l’ère du tout numérique, où toute la production de la conception à la diffusion est passée au cinéma dématérialisé. Autrefois support du cinéma, l’argentique est aujourd’hui à la fois un fétiche mais paradoxalement, un nouveau moyen d’expression cinématographique. En utilisant le traditionnel 35 mm mais aussi des formats dit « substandards » comme le 16 mm ou le 70 mm, les cinéastes post-argentiques cherchent à se différencier et mettre en avant une certaine idée du cinéma. Pour Nolan comme pour ces cinéastes, la pellicule n’est plus qu’un support d’enregistrement – c’est à présent un moyen d’expression propre et nous verrons comment se compose ce que nous appelons cette nouvelle esthétique.
La pellicule est liée au temps, mais pour Nolan, l’argentique a un rapport direct à la matière, qu’il défend et semble opposer à la virtualisation du numérique. Ainsi, envisager le cinéma de Christopher Nolan nous obligera à confronter son esthétique à la norme hollywoodienne, et voir comment il s’inscrit de façon nouvelle dans une contre-esthétique paradoxale : à la fois, innovante, traditionnelle et expérimentale. Il dit lui-même que « briser les règles n’est pas intéressant. C’est en fabriquer de nouvelles qui maintient les choses intéressantes. »

L’ESTHÉTIQUE DES FORMATS LARGES ARGENTIQUES
À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE
Mémoire de Master 1
Résumé
A l’heure de l’explosion des technologies numériques comme la réalité virtuelle, les plateformes de vidéo à la demande, la 3D, et le nombre croissant des supports numériques de diffusion, la salle de cinéma semble être en danger, à l’aube d’une nouvelle révolution. Néanmoins, depuis trois années, un petit groupe de cinéastes composés de Christopher Nolan, Quentin Tarantino, Richard Linklater, J.J. Abrams et d’autres ont sauvé la société Kodak, dernier fabriquant de pellicule, qui allait fermer ses portes.
Il y a cinq ans, on prédisait la mort pure et simple du cinéma argentique, mais le déclin de la production sur pellicule semble s’être arrêté. Des grands succès récents revendiquent le tournage en pellicule, et de nouveaux, des séances en 35mm et 70mm sont organisées. Mais, qu’est-ce qui motive ces cinéastes et producteurs à revenir à la pellicule : un retour nostalgique vers le passé ? Un vrai parti pris esthétique ? De même, pourquoi certains spectateurs continuent d’aller voir des films en pellicule ? Est-ce une sorte de mode comme le vinyle ? Et surtout, ce retour peut-il avoir un impact économique sur l’industrie du cinéma ? N’est-ce qu’un simple argument de vente, plutôt qu’une technique pérenne ?
L’hégémonie quasi-totale de l’image numérique permet aujourd’hui à ces réalisateurs de se différencier. Il faudra alors voir en quoi l’image argentique influe sur les films qu’ils tournent, mais surtout comment leurs films redéfinissent le statut de l’image argentique. Si la pellicule comme support de captation et de diffusion est devenue minoritaire, cela laisse probablement la place à une nouvelle esthétique, une esthétique argentique, qui se dégagerait communément des oeuvres encore tournées avec ce support historique. Revendiquer le tournage en pellicule aujourd’hui, c’est peut-être dire quelque chose sur son film, et ainsi, l’argentique deviendrait un nouveau langage cinématographique, comme le montage ou la mise en scène.